Idéal de beauté
Dans les médias, l’idéal de beauté concerne principalement les femmes. Elles doivent être parfaites en toute occasion. Ce message conditionnant, les filles (davantage que les garçons) le reçoivent très tôt. Aujourd’hui les idéaux de beauté sont aussi omniprésents qu’inatteignables. Cela cause des problèmes auprès des filles, mais également de plus en plus auprès des garçons.
Omniprésence
Les idéaux de beauté existent depuis la nuit des temps. L’invention de la photographie et du cinéma a permis de les propager. En effet, auparavant, avoir chez soi une représentation d’un idéal de beauté féminin ou masculin (comme un tableau ou une sculpture) était surtout réservé aux riches.
À l’heure actuelle, les idéaux de beauté, surtout féminins, nous entourent absolument partout et nous conditionnent en permanence.

Les idéaux de beauté sont véhiculés par les films, les clips musicaux, la publicité, à la télévision, les magazines, les affiches, Internet et même les jeux vidéo.
Avec le smartphone, ils sont littéralement à portée de main, à tout moment de la journée.
Un conditionnement dès le berceau
On “bombarde” aussi les enfants d’idéaux de beauté irréalistes à travers les jouets, les dessins animés, les poupées, les figurines d’action…

Prenons par exemple la célèbre poupée Barbie aux mensurations fantaisistes : un torse si étroit que les organes internes n’y trouveraient pas leur place. Des jambes si fines qu’elles ne pourraient jamais supporter le poids d’un corps. Il en va de même pour d’autres poupées, comme les poupées Bratz et K3, ainsi que la plupart des princesses Disney.
Les figurines d’action (Marvel, Action Man…) sont démesurément musclées. Leur masse musculaire dépasse même celle des culturistes !
Ce conditionnement chez les enfants, et plus tard chez les adolescents et les adultes, est sexospécifique : pour compter et réussir en amour, les filles doivent être belles et minces, les garçons doivent être forts et musclés.
Malgré les critiques, c’est une injonction que les médias véhiculent encore quotidiennement : presse people, presse féminine, presse masculine, clips musicaux, séries, films, jeux vidéo, publicités… Ainsi les personnes grosses sont quasi absentes des publicités, que ce soit à la télévision, dans la rue, dans les magazines ou sur internet : les modèles qui se brossent les dents, se rasent, s’occupent des enfants, font la cuisine, nettoient, travaillent ou font du sport… sont la plupart du temps minces.
Hors d’atteinte
Les idéaux de beauté sont liés au temps, au lieu et à la culture. Mais aujourd’hui plus que jamais, c’est l’Occident qui dicte ce qui est beau et ce qui ne l’est pas. Avoir une poitrine haute, une taille fine, de longues jambes, des fesses rebondies, des lèvres pulpeuses et un nez fin pour les femmes. Être grand, large d’épaules et musclé pour les hommes.

Plus encore, ce sont les critères de beauté blanche qui prévalent : peau claire, traits de visage occidentaux, chevelure lisse ou ondulée.
Mais en réalité, l’industrie de consommation ne se soucie pas vraiment de la nature des critères de beauté : blanc ou noir, grand ou petit, gros ou mince. En effet, tant qu’ils restent hors d’atteinte, ils font vendre !
L’idéal de minceur est sans doute l’un des plus irréalistes. Même les femmes mannequins, peu importent leurs sacrifices, ne réussissent pas à atteindre cet idéal qu’elles sont censées incarner. Les programmes de retouche photo s’en chargent aujourd’hui en amincissant les modèles de manière excessive.
Le marché juteux des complexes
Pour la publicité, on n’en fera jamais assez, notre corps ne sera jamais parfait. Tout comme les corps retouchés des modèles ci-dessus, le résultat sera toujours insuffisant et insatisfaisant.
Si les jambes sont assez longues, la taille est peut-être trop épaisse ? Si les dents sont parfaites, le nez est peut-être trop proéminent, ou les yeux trop enfoncés ? Peut-être a-t-on aussi un “problème” de vergetures ou de cellulite ? Vite, il faut un appareil de massage et une crème onéreuse !
L’injonction d’être beau ou belle génère donc un énorme marché juteux : mode, cosmétiques, programmes de régime… Jusqu’à la chirurgie esthétique : liposuccion, augmentation mammaire, implants fessiers, implants musculaires pour les hommes, etc.
Dans un système économique axé sur le profit, plus nous sommes complexé·e·s par notre apparence, mieux se porte l’industrie de la beauté.
Selfies
Aujourd’hui, les retouches photo ne sont plus réservées qu’aux seuls mannequins professionnels (amaigrissement du corps, éclaircissement de la couleur de peau, disparition des rides…).
Les filtres photos des smartphones sont utilisés par tout le monde, pour correspondre aux critères de beauté du moment.
Avoir beaucoup de “likes” augmente la confiance en soi. Mais celle-ci se dissipe rapidement. Aussitôt on publie un nouveau selfie, en espérant générer encore plus de “likes”. Les filtres photos aident à créer un “meilleure version de soi” selon les critères en vogue. Comme si en fait notre image réelle était par définition laide…

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Malheureusement, cette “autopromotion” nous rend aussi complices de la propagation de représentations irréalistes de la beauté. Et donc également complices de ses conséquences néfastes, pour soi-même et pour autrui.
Préjudices
Notre système capitaliste ne s’embarrasse pas des effets secondaires causés par les injonctions de beauté. On les nie, tout au plus on les minimise. On fait reposer la responsabilité sur les individus : chacun·e choisirait librement jusqu’où aller dans sa quête de perfection. Mais cette liberté est en fait beaucoup plus limitée.

En réalité, poursuivre un rêve de beauté parfaite est davantage le résultat d’une pression sociale que d’un choix libre et conscient. Sans oublier que les idéaux de beauté sont intrinsèquement un mirage !
Les idéaux de beauté dans les médias provoquent d’abord un sentiment positif à travers l’identification, mais créent ensuite différents problèmes à travers la comparaison sociale.
Identification et comparaison sociale
L’identification suscite un effet positif. C’est le moment agréable où une image idéale fait croire aux miracles du produit qu’on va acheter.
La comparaison sociale provoque ensuite un sentiment négatif. On s’aperçoit qu’on diffère de l’idéal et des personnes de notre entourage qui semblent incarner cet idéal. En se comparant, on exagère les soit-disantes imperfections. Cela entraîne frustrations et complexes.
Par ailleurs, trouver d’autres représentations de femmes ou de personnes non-binaires est une gageure car les médias véhiculent partout les mêmes standards de beauté. Cependant chez les hommes, il y a un plus de diversité car, à côté des corps dits virils, les médias montrent aussi des hommes de tailles et poids différents.
Il est nécessaire que les médias montrent des représentations de personnes aussi variées et réalistes que possible. En effet, l’absence de diversité et de réalisme peut être source de sentiment d’insécurité, pensées noires, sentiment de culpabilité, baisse des résultats scolaires, perte de confiance en ses propres capacités, haine de soi et anxiété sociale.
L’exposition répétée et fréquente à des idéaux de beauté inaccessibles peut générer de l’insatisfaction, de l’insécurité et une autocritique démesurée, surtout chez les jeunes.
Les sentiments d’insécurité et de haine de soi peuvent se manifester chez les jeunes par l’apparition de pratiques et troubles dangereux, comme des troubles alimentaires ou de l’automutilation.
Autre conséquence, l’anxiété sociale ou la peur de se montrer en public : certains individus n’osent plus sortir, se rendre à la salle de sport ou se montrer sur la plage.
Les jeunes ne sont pas les seul·e·s à être fréquemment exposé·e·s aux idéaux de beauté inaccessibles des médias. Ami·e·s et membres de la famille de tous âges sont aussi concerné·e·s et peuvent à leur tour exercer des pressions. Cette pression sociale indirecte, réelle ou imaginaire, pousse les jeunes à une perpétuelle quête de perfection.
De cette façon, tout le monde juge tout le monde, on se nuit les un·e·s aux autres.
Ne pas correspondre aux standards de beauté est associé à la paresse et au laisser-aller. Cette stigmatisation peut entraîner un sentiment de culpabilité. Par exemple, les personnes obèses sont considérées par une grande partie de la population comme des personnes paresseuses, “qui se sont trop laissées aller”. Elles n’en feraient pas assez pour atteindre le poids idéal, leur obésité serait donc entièrement leur faute.
La stigmatisation peut conduire à la perte de statut, ainsi qu’à la discrimination ou à l’exclusion. Par exemple on peut être rejeté à l’école, sur le marché du travail et dans les médias sociaux.
Sur les réseaux sociaux par exemple, les jeunes ont souvent peur d’être “identifié·e·s” par des photos non flatteuses. Publier une photo peut conduire à des situations d’insécurité et de stress. Et certain·e·s se sentent mal lorsque leurs photos sont peu “likées”.
Selon les recherches, le stress et la peur de ne pas correspondre aux standards de beauté entraînent à eux seuls une baisse des résultats scolaires. Plus tard, sur le marché du travail aussi, cela peut entraîner une baisse de confiance en ses propres performances, intellectuelles et autres.
La surexposition à des représentations irréalistes de beauté féminine affecte également la satisfaction des hommes hétérosexuels dans leurs relations. Les hommes exigeants en matière de beauté féminine sont moins satisfaits de leur partenaire que ceux accordant moins d’importance à l’apparence physique.
Toutefois si les médias véhiculent davantage de standards de beauté masculine, on peut prédire que l’insatisfaction dans les relations augmentera également, tant auprès des femmes que des hommes homosexuels.
Enfin, une autre critique concernant la surexposition à des normes de beauté inatteignables est que nous gaspillons nos ressources personnelles pour les atteindre. C’est du temps et de l’énergie que nous pourrions consacrer autrement, à l’auto-développement ou à l’engagement social par exemple.
« Body positivity »
Actuellement, les normes de beauté artificielles sont de plus en plus remises en question. Les activistes de la “body positivity” et à leur suite de plus en plus de célébrités et d’influenceurs (f/h/x) des réseaux sociaux prônent la beauté naturelle des corps.
L’objectif ? Que tout le monde puisse se sentir bien dans sa peau. Que tout le monde puisse vivre sans honte, sans culpabilité, sans commentaires négatifs, sans “fat-shaming”.
L’idée de “body positivity” n’est ni nouvelle, ni totalement étrangère au monde de la publicité.
Dès 1997, The Body Shop, une chaîne de magasins de cosmétique, a réalisé une campagne publicitaire internationale marquante. La chaîne a représenté une poupée Barbie aux mensurations réalistes (voir photo ci-dessus), avec le slogan suivant : “3 milliards de femmes ne ressemblent pas à des top-modèles et seulement 8 y ressemblent.”
En 2005, le groupe Unilever a suivi avec une campagne publicitaire pour la marque Dove. Y étaient représentées des femmes de tailles, poids, couleurs de peau et âges différents. Unilever a ainsi voulu célébrer la diversité de la “vraie beauté”. Cependant la campagne a aussi été critiquée pour récupération commerciale. Dove a rompu avec les normes de beauté contraignantes, mais dans le seul but d’en tirer profit.
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Intégrer plutôt que séparer
Depuis, de plus en plus de compagnies s’efforcent de déconstruire l’idéal de beauté physique. Mais cette lente déconstruction est avant tout cantonnée aux secteurs de la cosmétique et de la lingerie, tant pour les femmes que pour les hommes — en effet, l’injonction de beauté est moins prégnante chez les hommes (en tant que groupe social), mais elle cause à peu près les mêmes dégâts que chez les femmes.
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Cependant, selon les recherches, cette déconstruction ne doit pas être spécialisée à certains secteurs. Il est nécessaire de briser les normes de beauté dans toutes les publicités, quel que soit le secteur et le produit promu.
Pour en savoir plus
Dans une vidéo, “A Brown Girl’s Guide to Beauty”, la slammeuse Aranya Johar (18 ans) expose les stéréotypes et les normes de beauté auxquels sont confrontées les femmes indiennes.
Elle explique qu’en Inde, la couleur de peau détermine la beauté. Plus le teint est clair, mieux c’est. Car en Inde, un teint clair est signe de richesse. Mais Johar résiste en slammant :
“Oubliez Blanche-Neige, dites bonjour au brun chocolat. […] Je vais écrire mon propre conte de fées.”
La beauté se décline sous différentes formes et nuances, dit-elle, “il est temps que la société apprenne à aimer toutes les beautés”.
Sources
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FACT CHECK
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