Modèles de rôle
Les gens jouent différents rôles tout au long de leur vie : le rôle d’apprenant, le rôle de formateur, de (co-)parent ((f/h/x)… Ces rôles, nous les choisissons nous-mêmes. Mais pas toujours… Il y a beaucoup de cas où les rôles sont en fait contraints par les constructions sociales, telles que le genre, l’âge, le handicap ou l’origine ethnique.
Synonyme : attentes sociales normées
Les attentes d’une société envers des groupes d’individus ayant des caractéristiques communes.
Dans la vie, des rôles nous sont attribués d’emblée. Ainsi, dès l’enfance, on encourage les fillettes à jouer à la poupée et à se déguiser en princesses. Les garçons, eux, reçoivent des petites voitures et des panoplies de preux chevaliers. Plus tard, sur le marché du travail, il y a de fortes chances qu’on retrouve les premières dans le secteur des soins, voire dans le secteur du nettoyage si elles sont racisées, et que les seconds travaillent dans le secteur des STEM. Quant aux enfants ayant un handicap, la probabilité qu’ils ne trouvent pas d’emploi est élevée.

Ce processus s’appelle la socialisation. Ça signifie que l’ensemble de la société (parents, éducateurs, enseignants (f/h/x)… mais aussi les médias) assignent aux individus des rôles selon le sexe, la couleur de peau ou l’origine ethnique, l’orientation sexuelle, le handicap…
Et on appelle stéréotype une représentation réductrice et figée d’un groupe d’individus ayant en commun certaines caractéristiques. Par exemple : toutes les filles sont faibles et émotives, et tous les garçons sont forts et héroïques.
Rôles de genre
Les rôles sociaux et en particulier les rôles de genre, se transmettent de génération en génération. Ces rôles sont tellement intériorisés qu’ils en paraissent naturels. La plupart du temps, c’est inconsciemment qu’on occupe un rôle traditionnel genré, comme si cela allait de soi.
C’est ainsi que notamment plus de femmes que d’hommes travaillent à temps partiel pour éduquer les enfants et tenir la maison, ou encore pour soigner un parent malade. Les hommes ont davantage tendance à s’occuper des réparations. Et lorsque des couples hétérosexuels font construire une maison, c’est plutôt l’homme qui jouera “naturellement” le rôle de superviseur.
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Naturel ?
Les rôles traditionnels assignés aux hommes et femmes ne sont pas naturels. A fortiori pas dans notre société industrialisée où le travail intellectuel est plus valorisé que le travail physique. Les rôles de genre sont fabriqués par la société. Les individus les entretiennent. C’est un processus en partie inconscient. On observe une répartition genrée des rôles chez nos parents, puis on imite ce qui nous est familier.
Cependant, conserver cette répartition genrée des rôles sociaux est aussi un processus conscient pour des questions d’intérêts. À travers les stéréotypes de genre (l’homme ce “leader naturel”, ambitieux, sportif, assertif, dominant et indépendant VS la femme, cette âme sensible, affective, compatissante, douce, fidèle, accommodante et dépendante), il s’agit avant tout de maintenir en place les relations de pouvoir structurel des hommes sur les femmes : pouvoir politique, pouvoir économique et pouvoir sexuel.
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Cercle vicieux
Les rôles de genre sont des constructions socioculturelles, ils sont artificiels. Ils se transmettent au sein de la société d’abord par l’éducation. À côté, ils sont également massivement véhiculés par les médias, ce qui contribue à leur renforcement et leur persistance.
Il en va ainsi dans les films, les séries télévisées, les jeux ou la publicité. Malgré certains progrès, les hommes sont encore trop souvent représentés comme héroïques quand les femmes apparaissent comme des potiche : des hommes forts et des femmes à protéger, des hommes impassibles et des femmes émotives, des hommes actifs et des femmes au foyer.
Bleu et rose

La transmission des rôles sociaux, et en particulier des rôles de genre, commence dès la naissance. Du bleu pour les bébés garçons, du rose pour les bébés filles. Les jouets, ainsi que toute la publicité qui les entoure, sont aussi fortement genrés.
Ainsi les jouets imitant les activités domestiques et de soins sont majoritairement roses. Les jouets plus scientifiques ou technologiques sont généralement de couleur bleue, rouge ou grise.

Et quand un jouet technique est rose (comme un jouet ordinateur), il s’agit bien souvent d’une version simplifiée d’un modèle bleu, gris ou rouge.
La ségrégation bleu/rose est susceptible de cantonner les filles à des rôles reproductifs (soins à autrui, éducation, tâches domestiques), et les garçons à des rôles productifs (déjà orientés vers la vie active). De cette façon, on cultive chez les garçons la force, l’esprit d’aventure, l’esprit scientifique et l’indépendance. Chez les filles, la douceur, la beauté, l’empathie et la sensibilité.
Plus tard, cela nourrit des stéréotypes de comportements genrés, comme le fait que les garçons doivent conquérir les filles et que les filles doivent patiemment attendre que leur prince charmant.

Binarité
De plus en plus de parents pensent que les enfants, quels que soient leur sexe de naissance, doivent avoir les mêmes chances de développer leurs talents et d’explorer le monde. Mais ils ressentent la pression de ce marketing bleu-rose qui veut à tout prix maintenir la binarité des sexes : par la catégorisation genrée de jouets, mais aussi par la différenciation genrée d’articles pourtant identiques (textiles, chaussures, jusqu’aux stylo-billes). Un marketing bleu-rose très lucratif !
Seul le prix peut varier. Généralement au détriment des femmes. Sur Internet, ce phénomène est ironiquement appelé la « taxe rose ».
Pour le reste, ce phénomène de taxe rose n’est finalement qu’une pure stratégie marketing : un procédé commercial qui incite les parents à acheter des jouets différents pour les filles et les garçons. Au final cela fait donc vendre plus de jouets, car pas (peu) de jouets unisexes.
Ce procédé commercial accentue la croyance collective que filles et garçons sont “par nature” différents et doivent donc être traités différemment. Aujourd’hui à travers les jouets avec lesquels ils jouent, plus tard dans leurs choix d’études et de carrière.
L’homme expert VS la femme ignare
Jusqu’il y a une trentaine d’années, les médias étaient très conservateurs quant aux rôles genrés. Il y avait peu de personnages fictifs féminins forts, comme Dora l’Exploratrice pour les petits ou Xena princesse guerrière pour les plus grands. On ne commercialisait pas non plus de poupées neutres.
Les femmes dans les pubs faisaient le ménage ou s’occupaient des enfants. Et elles étaient représentées comme des ignorantes, tandis que les hommes apparaissaient comme les experts scientifiques ou techniques en expliquaient aux femmes quels produits de lavage ou de nettoyage employer, à l’aide d’une pseudo-démonstration.

À côté des ménagères ignares, il y a bien sûr les femmes-objets (voir objectification).
Les femmes travaillant étaient peu représentées dans les publicités. Tout au plus on voyait des secrétaires stéréotypées, jamais de femmes managers ou de femmes cadres par exemple.
Depuis les publicités mettent davantage en scène des femmes qui travaillent : des scientifiques, des architectes… Pour le reste, peu de choses bougent, mis à part de temps en temps un homme qui fait le ménage.
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Les spécialistes du marketing jouent sur la sécurité et choisissent la meilleure chance de rendement. Ils ciblent les femmes car elles font encore davantage le ménage que les hommes et gère les achats quotidiens et/ou hebdomadaires.
En outre le fait de montrer plus d’hommes dans un rôle reproductif bousculerait également l’ordre hiérarchique “naturel” des sexes. C’est-à-dire le travail non rémunéré par rapport au travail rémunéré, ou le travail reproductif par rapport au travail productif.
L’homme marrant VS la femme ennuyeuse
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À l’heure actuelle, les femmes sont encore mises en scène par la publicité dans un rôle reproductif, à la maison en train de nettoyer ou de s’occuper des enfants.
Elles enlèvent les taches, combattent les odeurs nauséabondes, prennent soin des enfants… Elles sont sérieuses et ennuyeuses, de même que leurs filles.
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Quand la pub met en scène un homme dans un rôle reproductif, c’est avec humour et légèreté. Ils sont maladroits — ce qui confirme la croyance que le ménage n’est pas fait pour les hommes —, ils s’amusent, ou encore ils cuisinent pour leurs amis (cuisiner est avant tout social et visible aux yeux des autres).
Les femmes sont plus susceptibles de s’occuper du ménage en solitaire, leur travail restant invisible aux yeux de leurs proches.

Opération séduction
Par conséquent, ces publicités qui semblent briser les stéréotypes, en montrant par exemple des hommes faisant le ménage, ne ciblent en vérité pas les hommes consommateurs. C’est encore une fois les femmes qui sont visées par ces publicités d’apparence inclusive. Représenter un homme sexy prenant en charge des tâches ménagères, c’est leur vendre du rêve dans le but qu’elles achètent les produits annoncés.
Il en va de même des publicités qui pointent les inégalités dans la répartition des tâches ménagères au sein de la famille.
Quant à l’appareil électroménager lui-même, il continue d’être présenté comme étant fabriqué pour les ménagères par des hommes experts.
Bob le Bricoleur

La plupart des professionnel·le·s de la publicité et du marketing vous diront que leur rôle n’est pas de prêcher l’égalité, ni de combler le fossé entre les femmes et les hommes. Nulle part, ni à la maison, ni au travail.
Leur travail est de faire vendre. C’est pourquoi on voit encore peu de femmes dans les publicités pour des voitures, produits de jardinage, services bancaires ou ICT. Dans ce cas-ci, la pub vise les hommes — déjà socialisés bien plus tôt à travers le marketing rose/bleu.

À quand une publicité montrant une femme technicienne, réparant la machine à laver d’un homme et lui recommandant d’utiliser un produit d’entretien à chaque lavage pour éviter la panne ?
Effets néfastes

L’expression “Ce que vous ne pouvez pas voir, vous ne pouvez pas le devenir” résume l’effet néfaste des rôles stéréotypés dans l’industrie des jouets et de la pub. Il est difficile de trouver des images de filles et de garçons ayant chacun un mélange équilibré de caractéristiques. Les filles restent associées à la fragilité, à l’émotion ou encore l’écoute. Les garçons à la force, au rationnel et à la compétition.
“You can’t be what you can’t see.”
Marian Wright Edelman
Cette différenciation genrée des compétences se poursuit tout au long de la vie. Elle est renforcée par le sexisme présent dans les médias et la pub, ce qui freine considérablement la lutte contre les discriminations.
Les stéréotypes de genre dans l’industrie du jouet et de la pub
- Privent les enfants de la possibilité de découvrir leurs propres intérêts, talents et sentiments, quel que soit leur sexe de naissance.
- Réduisent les ambitions des enfants, en se basant sur le sexe de naissance.
- Orientent les enfants, sur base de leur sexe de naissance, dans leurs choix d’études et de carrière : les filles vers le secteur des soins ou de l’éducation, les garçons vers le secteur des sciences, ingénierie et technologie.
Les rôles de genre traditionnels dans la publicité
- Perpétuent la hiérarchisation des sexes qui valorisent les caractéristiques et les professions dites masculines au détriment que de celles dites féminines.
- Renforcent les ségrégations et discriminations sur le marché du travail. Par exemple, à qualifications égales, les compétences de care des hommes sont sous-estimées, il en va de même pour les compétences scientifiques et techniques des femmes.
- Maintiennent l’écart de rémunération entre les sexes : par la non-représentation du partage des tâches domestiques au sein des couples hétéros, par la non-représentation des hommes dans le secteur des soins, etc.
En savoir plus
À regarder :
- Un autre genre d’éducation (Kreatur n°6, émission ARTE, 2019)
- L’école du genre, série de 8 web documentaires pour explorer la construction sociale genrée (France, 2015)
- À la recherche du prince charmant (documentaire RTBF, 2012)
- Marre des jouets roses pour les filles et bleus pour les garçons ? (Brut. nature, janvier 2020)
À lire/consulter :
- Image des femmes dans la publicité télévisée : les décalages et stéréotypes persistent (France, rapport du CSA, 2017)
- #Toysanddiversity. Toy catalogues in Europe: Making or Breaking Stereotypes? (2016, COFACE Families Europe)
- Rapport d’information fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur l’importance des jouets dans la constructionde l’égalité entre filles et garçons (France, Sénat, 2014)
- Site web Égalité filles-garçons
Sources
Blum, R. W., Mmari, K., & Moreau, C. (2017). It begins at 10: How gender expectations shape early adolescence around the world. Journal of Adolescent Health, 61(4), S3-S4.
Coyne, S. M., Linder, J. R., Rasmussen, E. E., Nelson, D. A., & Birkbeck, V. (2016). Pretty as a princess: Longitudinal effects of engagement with Disney princesses on gender stereotypes, body esteem, and prosocial behavior in children. Child development, 87(6), 1909-1925.
Eisend, M., Dens, N., & De Pelsmacker, P. (2019). Gender Roles in Advertising. Advertising Theory, 187-197.
Furnham, A., & Paltzer, S. (2010). The portrayal of men and women in television advertisements: An updated review of 30 studies published since 2000. Scandinavian Journal of Psychology, 51(3), 216-236.
Grau, S. L., & Zotos, Y. C. (2016). Gender stereotypes in advertising: a review of current research. International Journal of Advertising, 35(5), 761-770.
Instituut voor Gelijkheid van Vrouwen en Mannen (IVGM). (2016). De organisatie en combinatie van arbeids- en gezinsverantwoordelijkheden bij vrouwen en mannen in België.
Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes (IEFH). (2017). L’écart salarial entre les femmes et les hommes en Belgique.
Matthes, J., Prieler, M., & Adam, K. (2016). Gender-role portrayals in television advertising across the globe. Sex roles, 75(7-8), 314-327.
Van Hellemont, C. (2017). Grenzen aan de tolerantie voor vrouw- en manonvriendelijke reclame. Onderzoek naar knelpunten, weerstanden en openingen voor verandering. (Limits of tolerance for sexist advertising. A study of obstacles, resistance and conditions for change.)
Verhellen, Y., Dens, N., & De Pelsmacker, P. (2016). A longitudinal content analysis of gender role portrayal in Belgian television advertising. Journal of Marketing Communications, 22(2), 170-188.
FACT CHECK
Ce texte a été rédigé avec soin en s’appuyant sur plus de sources que nous ne pouvons en mentionner ici. Si vous lisez quelque chose qui ne correspond pas ou plus à l’état actuel de la recherche scientifique, n’hésitez pas à nous contacter.


